Accueil Notre Enracinement Paul Batibonak: « Il s’agit d’un contrat social spirituel dans le champ religieux »

Paul Batibonak: « Il s’agit d’un contrat social spirituel dans le champ religieux »

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Diplomate de carrière, chercheur en sciences sociales et co-auteur de l’ouvrage intitulé «« Marché médiatique de la guérison divine au Cameroun » , il laisse croire que les appels entendus lors des rituels de cette religiosité interpellent, attirent, fidélisent.
« Marché médiatique de la guérison divine au Cameroun », semble receler une contradiction. À sa lecture, on a l’impression que vous dénoncez l’hypermédiatisation des discours et activités des églises pentecôtistes et que, paradoxalement, vous reconnaissez la possibilité d’une « guérison divine ». Qu’en est-il exactement ?
À travers notre réflexion, nous présentons des phénomènes observables sur les terrains pentecôtistes dans les métropoles camerounaises. Nous évoquons l’économie des prières dites en vue de convoquer la guérison dans ces cercles religieux. À l’observation, il existe une offre et une demande explicite au sein d’un marché. Les « offreurs » de rituels thaumaturgiques, rencontrent les désirs des « demandeurs » de cure thérapeutique, dans une arène encline à cette complicité pour le commerce des biens ou des produits ou des services spirituels. Il s’agit donc d’un marché, d’un commerce ; dans un espace cultuel, où s’échangent des services a priori à la grande satisfaction de chacune des parties. Les uns se sentent interpellés et valorisés en raison de ce qu’ils attirent les fidèles en quête de soulagement, de délivrance. Les autres (fidèles) saisissent les bras tendus des prieurs, des délivreurs, des « thérapeutes spirituels » toujours très présents pour leur accorder du soulagement, en l’occurrence à travers leurs pratiques rituelles, exorcistes, médiatiques et médiales. Il n’est donc pas question de contradiction, mais des faits socio-anthropologiques décryptés par la plume des co-auteurs de ce chef d’œuvre.
L’appel à la « repentance des fidèles » et l’impératif d’« abandonner le péché », c’est-à-dire cesser le mal pour vivre conformément aux principes moraux, ne commande-t-il pas une violence rhétorique face à la gravité de la déchéance morale et éthique qui mine l’Afrique, particulièrement notre pays, le Cameroun ?
Les appels sont lancés par les prêcheurs, les prédicateurs, les leaders religieux pentecôtisants. « Se repentir », « abandonner le péché », sont des périphrases de la rhétorique de cette mouvance. Plus qu’un appel, il s’agit d’une forme de contrat social spirituel dans le champ religieux. Ces leaders semblent dire, nous avons des produits « efficaces » qui « fonctionnent », au sens anthropologique du terme, et ces produits ne sauraient être « gratuits ». Les appels entendus lors des rituels de cette religiosité interpellent, attirent, fidélisent. Par la suite, s’érige en contrepartie, un espace de jeu mené par des entrepreneurs religieux et médiatiques. On se trouve au cœur d’un jeu aux enjeux qui sont de taille. Les entrepreneurs, entre eux, se positionnent dans une espèce de concurrence : Qui aura la plus grande aura, la plus grande audience, le plus grand audimat ? Qui influencera la plus grande radiosphère, audiosphère, médiasphère ? Tels sont quelques enjeux de cette partie concurrentielle et entrepreneuriale.
En page 191 de votre ouvrage, vous présentez « la reconnaissance des patients et néo-biomédecins, comme mode de médiatisation », sans propagande mensongère. Pourquoi ?
Il existe effectivement des publicités « sans publicité ». Ce sont des exemples qui attestent de « l’efficacité » des médecins dits traditionnels. Des malades affirment avoir reçu la guérison par les pratiques des néo-biomédecins. Leurs discours ne témoignent-ils pas de l’efficacité, de la satisfaction et du « fonctionnement » de ces cures ? Les patients, après obtention de guérison, s’érigent en agents publicitaires, incarnant ainsi la « publicité ». Leur rétablissement témoigne des pouvoirs thaumaturgiques de certaines catégories de guérisseurs souvent ignorés et méconnus. Les publicités sans propagande mensongère sont ainsi attestées par cette contribution postée à la fin de cet ouvrage. Il importe seulement de la lire pour mieux cerner la pertinence de ce phénomène publicitaire « sans publicité ».
Propos recueillis par Guy Modeste DZUDIE

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