Portraits Célestin Monga, l’Africain du monde Par willy24 Poste août 6, 2016 12 min read 0 0 654 Share on Facebook Share on Twitter Share on Google+ Share on Reddit Share on Pinterest Share on Linkedin Share on Tumblr Célestin Monga, philosophe camerounais et lead economist à la Banque mondiale, tutoie Nietzsche et Cioran, secoue les stéréotypes de la négritude pour mieux ramener son continent dans la marche du monde. Quand Célestin Monga retourne au Cameroun, le pays qui l’a vu grandir, ce n’est pas seul qu’il arpente les rues encombrées de voitures ou les marchés aux fruits à la valeur insoupçonnée. C’est avec Cioran, Pessoa et Nietzsche, qu’il convoque sans cesse pour partager avec lui son regard sur le nihilisme d’une patrie qu’il a quitté pour les hautes sphères de l’économie, direction la Banque mondiale, à Washington, où il occupe les fonctions de lead economist, auprès de son vice-président. Quand Célestin Monga retourne au Cameroun, cela donne un ouvrage inclassable, déambulation philosophique et politique sur un pays et un continent qu’il appréhende dans une posture dedans/dehors que peu d’écrivains peuvent se permettre. Un portrait qui se nourrit à la gastronomie locale, aux amours, à la musique populaire et aux embouteillages d’une nation partagée entre soif de démocratie et résignation. Cette soif et cette résignation, Monga les connaît bien. Lui qui fut au cœur d’un mouvement démocratique qui secoua bruyamment le pouvoir en place dans les années 1990, sans parvenir à l’abasourdir. Alors jeune banquier, il rédige une tribune virulente à l’encontre du pouvoir dans un quotidien du pays. Une lettre ouverte et sans ménagement à l’attention du président Paul Biya, qui lui vaut arrestation, procès et emprisonnement. En même temps que la machine judiciaire, se met en place un vaste mouvement de soutien populaire à Célestin Monga qui devient de fait le symbole d’une jeunesse née après la décolonisation et qui aspire à l’indépendance et la démocratie. « L’Afrique n’est qu’une invention » Libéré, Célestin Monga choisit pourtant l’exil. Non pas vers la France où il a fait ses études mais craint de se faire suicider par les services secrets camerounais, mais vers les États-Unis où il continue avec succès sa carrière d’économiste. Et quand l’auteur d’Un Bantou à Djibouti et d’Un Bantou à Washington, écrit Nihilisme et Négritude en 2009, c’est pour mieux redessiner les contours de ces deux notions et les adapter à la réalité d’un continent africain multiple, mais unanimement victime des mêmes clichés. L’Afrique « n’est qu’une invention » et la négritude « une vision d’un monde noir idyllique et imaginaire » qui a surtout permis à de nombreux hommes politiques de contourner les questions de classe en se focalisant sur la problématique de la race. Célestin Monga, lui, se ressent comme faisant partie d’une génération née après les vagues d’indépendance et « qui ne se sent pas tributaire de ces querelles identitaires et byzantines organisées autour de la race noire, désireux de vivre autrement sa négritude ». Quel lien aujourd’hui entre Oprah Winfrey, la star des talk-shows américains, et un vendeur de rue de Dakar ou de New York ? Quelle communauté de destin entre Obama et ses cousins de Nairobi ? interroge le jeune philosophe qui préfère parler d’une africanité syncrétique qui fait de lui un « citoyen du monde, mais africain malgré tout ». L’Afrique qui partage un même mépris de la part des élites intellectuelles et médiatiques du monde entier. Quand Lech Walesa, « un apprenti électricien » crée Solidarnosc au début des années 1980, la communauté internationale a les yeux rivés sur la Pologne, « mais au même moment quand un groupe d’universitaires ivoiriens initie un mouvement démocratique, on se demande immédiatement si ces gens sont sérieux dans leur demande de liberté », ironise Célestin Monga. « Aujourd’hui encore les aspirations démocratiques et les malheurs des Africains n’attirent pas les caméras avec la même intensité que le reste du monde ; » Un double traitement que les Africains semblent avoir intégré dans un déni d’amour-propre que Célestin Monga ne cesse d’essayer de faire vaciller. « Le Cameroun est la métaphore d’une Afrique qui cherche ses marques dans un monde qui la méprise », analyse l’intellectuel décapant de la négritude, appelant les Africains à devenir les sujets de leur histoire et non plus seulement des fantasmes de l’Occident. C’est là l’un des nihilismes que décrit l’économiste, cette « mortelle fatigue de vivre » qui pousse les peuples à « célébrer l’absurde et le néant », faute de croire encore à la force agissante de leurs convictions. « Ce doute monstrueux qui les habite et les pousse à quémander la reconnaissance dans le regard des autres. » Alors, insiste Célestin Monga, « pour les sortir du piège de leur propre histoire, il faut inculquer aux jeunes l’idée que l’Afrique a contribué à l’Histoire du monde, ce qui est vrai ». Et pour ce faire, les notions de dignité et d’amour-propre scandent le récit de Nihilisme et Négritude. « Des mots qui constituent le cadre référentiel de l’agir humain », pour l’auteur qui ferme son récit par celui de la mort de son père qui « mesurait la valeur d’un homme à son degré d’amour-propre » et qui, de la même manière que la longue théorie de poètes écrivains et penseurs qui nourrissent le livre, accompagne les réflexions que livre Célestin Monga sur son pays. Car la richesse de ce qui pourrait être un théoricien philosophique ennuyeux tient dans sa volonté de chercher partout les marques de ce qu’il avance et d’avancer toujours dans le réel. Chaque événement est prétexte à la digression métaphysique. Une vendeuse de fruits qui cherche à vendre sa fille sur un marché de Ouagadougou incite l’auteur à chercher à « mieux cerner les déterminants de l’amour au sein des nouveaux couples africains ». Une quête qui l’emmène aux confins de la masculinité noire, dans les affres de l’oppression coloniale et dans les chansons de Magic System, célèbre groupe populaire ivoirien. Le cocktail philosophique de Célestin Monga donne du continent une vision pas toujours optimiste mais libératrice. Comme une gigantesque boîte à outils pour penser l’Afrique autrement. Hugo Lindenberg
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